Publication du rapport de la mission information sur le tourisme de montagne et les enjeux du changement climatique

La montagne se caractérise par un réchauffement climatique plus rapide et plus marqué qu’ailleurs. Cette évolution fait peser des doutes sur l’avenir des activités développées jusqu’à présent. Dans ce contexte, les députées Laurence Gayte et Marie-Noëlle Battistel ont rendu un rapport d’information sur le tourisme de montagne et les enjeux du changement climatique afin de présenter un état des lieux et de proposer, via 23 propositions, des perspectives.

Les députées Laurence Gayte et Marie-Noëlle Battistel ont rendu un rapport d’information proposant un véritable état des lieux des enjeux auxquels sont confrontés les acteurs du tourisme en montagne. Enrichies par de nombreuses auditions, contributions ainsi que des déplacements, les rapporteures font le constat que la montagne est la « première sentinelle du changement climatique » et que l’évolution du tourisme passera par « des activités diversifiées et quatre saisons ». Elles soulignent toutefois que la nouvelle offre devra être construite « de manière raisonnée, adaptée à chaque territoire et en complémentarité de l’offre existante ».

Si les acteurs du tourisme savent aujourd’hui que le modèle économique de certaines stations doit être revu en intégrant le fait qu’une année avec peu d’enneigement, voire sans neige, n’empêche pas l’activité touristique, il n’en demeure pas moins que l’économie de la montagne est fortement dépendante du ski, qui représente 82 % du chiffre d’affaires. Jeanine Dubié, députée des Hautes-Pyrénées et présidente de l’ANEM, a souligné lors de son audition par les membres de la mission d’information que « les débats autour du tourisme à l’année doivent s’inscrire dans une réalité qui est celle de la saisonnalité tranchée. Cette dernière, qui rythme la vie économique et sociale en montagne, est une réalité que les pouvoirs publics, dans leur ensemble, ont trop souvent du mal à prendre en compte. La plus grande partie des revenus du tourisme est concentrée sur une période courte, environ quatre mois d’hiver, qui génère l’essentiel des ressources de ces territoires pour l’année entière ». La pérennité des modèles touristiques essentiellement fondés sur le ski ne peut donc être appréciée que localement (proposition n° 1). De plus, si la diversification et la désaisonnalisation de l’offre semblent être « des solutions opportunes », elles doivent être adaptées au cas par cas, selon les caractéristiques propres à chaque territoire (proposition n° 6 ).

La gestion de la fréquentation est un autre enjeu majeur (proposition n° 11). La surfréquentation peut avoir des « conséquences négatives sur l’environnement et sur les habitants », voire sur l’expérience touristique elle-même. Les rapporteures insistent sur la nécessité de mettre en place des outils de quantification et de gestion des flux (proposition n° 12). Cette gestion doit surtout être incitative, notamment en communiquant sur des zones géographiques suffisamment larges et non sur les sites les plus emblématiques. La présidente de l’ANEM a ici rappelé que « l’évolution des attentes du public constitue l’un des défis auxquels les communes de montagne doivent répondre », mais que la montagne n’a pas vocation à devenir une destination de tourisme de masse et qu’en toute hypothèse, le tourisme « doit se caractériser par un ancrage dans la culture locale et un art de vivre. Il doit se développer en intégrant l’histoire et la spécificité des territoires ».

Sur les risques de conflits d’usage, les rapporteures avancent que les incidents résultent bien souvent « d’un manque de connaissance des bons comportements à adopter ». Elles estiment que les médiateurs constituent une solution intéressante car ils permettent de « sensibiliser les publics au cœur des territoires, sans contraindre » (propositions n° 13 et 14).

Les députées rappellent que l’éducation à la montagne se fait aussi dès le plus jeune âge et estiment qu’il est nécessaire de soutenir le tourisme social afin de « permettre l’accès de tous les enfants à la montagne ». Les classes de découverte et autres accueils collectifs de mineurs doivent être soutenus, et les séjours éducatifs à la montagne relancés, alors que « les complexités administratives sont parfois source de blocage » (propositions 15, 16 et 17).

Les rapporteures font un premier bilan positif du plan Avenir Montagnes et souhaitent que celui-ci puisse être « pérennisé et son volet ingénierie, particulièrement opérationnel, renforcé ». Dans le même sens, Jeanine Dubié a salué les qualités du dispositif qui considère « la singularité de chaque massif, ses enjeux propres et sa dynamique de développement ». Laurence Gayte et Marie-Noëlle Battistel ont également souligné la nécessité de maintenir une approche au cas par cas s’agissant des politiques touristiques de montagne avec une attention renforcée sur le sujet de l’emploi et des compétences, notamment en ce qui concerne le statut des pluriactifs (propositions n° 15, 18, 19, 20 et 22).

En conclusion, les rapporteures rappellent la nécessité d’un dialogue continu sur les enjeux touristiques en montagne. Tous les leviers de concertation, institutionnels ou plus novateurs, doivent être mobilisés (proposition n° 23).

Enfin, l’ANEM se félicite que le thermalisme, et plus globalement le bien-être, soient considérés comme une véritable opportunité pour les territoires de montagne (proposition n° 7). De même, l’Association affirme, aux côtés des rapporteures, que de nombreux efforts restent à accomplir s’agissant de la desserte ferroviaire et qu’il est indispensable que les trains de nuit soient rénovés et améliorés (proposition n° 9).

 

Les 23 propositions

Proposition n° 1 : inciter les stations de sports d’hiver à réaliser un diagnostic d’enneigement, de type ClimSnow, en particulier lorsque de nouveaux investissements liés à la neige sont envisagés. Un soutien financier devra être apporté, le cas échéant, par les pouvoirs publics.

Proposition n° 2 : mettre en place, dans chaque massif, un observatoire de l’emploi (nature, statut, données relatives à la pluriactivité et à la saisonnalité, etc.).

Proposition n° 3 : améliorer l’information et la concertation autour du sujet de la ressource en eau en montagne :
– constituer une base de données nationale à ce sujet ;
– au niveau local, encourager à l’établissement de schémas de conciliation des usages de l’eau par les commissions locales de l’eau, afin de traiter de manière plus apaisée les besoins liés, notamment, à la neige de culture et aux activités agricoles.

Proposition n° 4 : dès qu’il sera disponible, promouvoir l’utilisation de l’outil Prosnow auprès des professionnels de la neige de culture.

Proposition n° 5 : inciter les stations de sports d’hiver à obtenir des labels attestant de leur engagement en faveur du développement durable, à l’instar du Flocon vert créé par Mountain Riders, et renforcer leur visibilité.

Proposition n° 6 : créer une plate-forme recensant les initiatives réussies en matière de diversification et de désaisonnalisation du tourisme de montagne, avec un moteur de recherche suffisamment précis permettant de refléter la diversité des situations.

Proposition n° 7 : renforcer le volet « bien-être » du thermalisme en France, notamment pour les stations thermales situées en zone de montagne.

Proposition n° 8 : soutenir, dans le cadre de l’éligibilité aux appels à projets déjà existants en matière de relance de l’offre touristique, la mise aux normes du parc hôtelier familial en montagne, celui-ci étant source de « lits chauds ».

Proposition n° 9 : intensifier l’effort de montée en gamme de l’offre de trains de nuit par des financements accrus.

Proposition n° 10 : lors de l’étude d’un projet d’aménagement touristique, favoriser l’installation d’équipements adaptables, réversibles et évolutifs.

Proposition n° 11 : développer, à l’échelle de chaque massif, des outils de quantification de la fréquentation afin de proposer un système de gestion intégré des flux.

Proposition n° 12 : développer des itinéraires dédiés pour les nouvelles pratiques sportives en montagne afin d’accompagner par l’offre le mouvement de réorientation des flux.

Proposition n° 13 : poursuivre les efforts de réflexion et de communication pour une cohabitation respectueuse entre promeneurs et chiens de troupeau. Dans la mesure du réalisable, une cartographie de la localisation de ces derniers est une initiative à soutenir.

Proposition n° 14 : lors de la saison d’été, systématiser l’embauche de médiateurs sur les territoires de montagne particulièrement fréquentés. Les jeunes en service civique peuvent constituer un vivier de recrutement intéressant pour ces postes.

Proposition n° 15 : relancer le soutien à l’offre d’accueils collectifs de mineurs, en apportant à ces structures un soutien financier adapté à leur chiffre d’affaires. De plus, les mesures de soutien prévues aux classes de découverte dans le plan Avenir Montagnes doivent être pleinement mises en oeuvre.

Proposition n° 16 : faciliter les départs en voyage scolaire dans les inspections d’académie et travailler au raccourcissement des délais d’instruction ainsi qu’à la simplification des procédures.

Proposition n° 17 : développer le soutien des autorités organisatrices de transport aux sorties et séjours scolaires en montagne.

Proposition n° 18 : prolonger les volets ingénierie et investissement du plan Avenir Montagnes au-delà de 2022. Le volet ingénierie, particulièrement précieux et salué, pourrait opportunément être renforcé à cette occasion.

Proposition n° 19 : dans le cadre d’une prolongation du plan Avenir Montagnes, ajouter un volet spécifique relatif à l’emploi et à la formation.

Proposition n° 20 : créer une mission d’information parlementaire sur la revalorisation du statut du pluriactif, qui établirait des préconisations ciblées en la matière.

Proposition n° 21 : améliorer l’offre de logements pour les saisonniers en montagne, en proposant davantage de structures de type résidence sociale directement en station.

Proposition n° 22 : faciliter la pluriactivité en développant des passerelles entre les différentes formations préparant aux métiers liés au tourisme de montagne.

Proposition n° 23 : poursuivre l’accélération des efforts pour améliorer la qualité du dialogue entre les différents acteurs de la montagne, tant au travers des instances formelles que par la tenue d’événements plus novateurs et ancrés dans une dynamique territoriale.

 

L’intégralité du rapport est disponible ici.