Audition à l’Assemblée nationale sur le pastoralisme

La commission du développement durable et de l’aménagement du territoire de l’Assemblée nationale a créé une mission d’information sur le rôle du pastoralisme dans l’aménagement du territoire, les causes de son déclin et les conséquences pour le développement durable des territoires ruraux. Les corapporteurs Jean-Yves Bony, député du Cantal, et Marie Pochon, députée de la Drôme, ont auditionné le 24 mai dernier, Pascale Boyer, présidente de l’ANEM. Étaient également présents à cette audition, Antoine Armand, député de la Haute-Savoie, et Sylvie Ferrer, députée des Hautes-Pyrénées. À cette occasion, Pascale Boyer a rappelé dans ses propos liminaires que l’économie agropastorale est indispensable à l’aménagement des territoires de montagne et se trouve mise à mal ces dernières années, notamment avec la hausse de la prédation et le non-renouvellement des générations d’éleveurs qui partent en retraite, mais également du fait des évolutions environnementales, sociales et géographiques.

Pourtant, les qualités du pastoralisme sont indéniables puisqu’il s’agit d’un élevage extensif, hautement résilient, avec un faible niveau d’intrants et un bilan carbone neutre. Le pastoralisme s’inscrit également dans des circuits courts, davantage rémunérateurs. Il vient en soutien à l’activité forestière et agricole en entretenant et en défrichant les territoires, et en réduisant les risques d’incendies ou d’avalanches. D’ailleurs, l’économie agropastorale entretient 1,5 million d’hectares de prairies naturelles d’altitude généralement situées entre 2 000 et 2 400 m.

L’agropastoralisme s’appuie sur des modes d’organisation collective tels que les AFP (associations foncières pastorales) permettant de gérer les terres d’altitude en commun et surtout d’accéder à celles qui n’ont pas de propriétaires connus ou mobilisables et resteraient de ce fait sans entretien. Sans agropastoralisme, l’accessibilité de ces espaces d’altitude, mais aussi leur biodiversité et leur sécurisation contre les risques naturels seraient compromises.

La progression des grands prédateurs vient fragiliser encore plus la situation précaire des éleveurs et des bergers en alourdissant leur charge de travail, en affectant leur dynamisme et leur santé, en entamant substantiellement la rentabilité de leur activité par de nouveaux surcoûts et de moindres rendements.

Faute de réponse adaptée, cette spirale de démotivation risque de conduire à une régression sans précédent de l’agropastoralisme, voire à sa disparition sur certains territoires.

Les élus de la montagne n’ont jamais cessé d’alerter les pouvoirs publics sur l’impossible cohabitation des prédateurs avec un mode d’élevage pastoral traditionnel, qui fait la fierté de nos montagnes.

L’inscription au patrimoine culturel et immatériel de l’humanité de « La Transhumance, déplacement saisonnier de troupeaux » en décembre dernier l’illustre parfaitement.

Lors de l’audition, la compensation des handicaps naturels via l’indemnité compensatoire de handicaps naturels (ICHN) a été abordée. L’ANEM a rappelé que l’ICHN ne compense pas et n’a jamais compensé à elle seule la différence de revenus entre les exploitants agricoles de montagne et de plaine. Elle ne permet pas de les positionner sur un même niveau de revenus. Pis encore, la nouvelle PAC est venue contraindre encore plus les revenus des éleveurs de montagne. Pour l’éligibilité des surfaces pastorales ligneuses (SPL) aux aides de la PAC, le PSN (plan stratégique national) a prévu un critère de chargement plancher de 0,2 UGB/ha qui se cumule avec celui d’absence d’enfrichement. L’application de ce taux de chargement aux seules SPL est particulièrement inéquitable, contribue à la fragilisation des exploitations utilisatrices de ces espaces et altère l’organisation traditionnellement collective des estives.