Planification énergétique : Le décret sur la « reconnaissance impérative d’intérêt public majeur » un frein à la petite hydroélectricité

L’heure est à l’accélération du déploiement des énergies renouvelables, pourtant les élus sont confrontés à de nouveaux freins lorsqu’il s’agit de développer des projets de petite hydroélectricité, premier gisement naturel d’énergie renouvelable des territoires de montagne.

En totale contradiction avec la volonté du législateur, la principale mesure de simplification juridique de la loi d’accélération des énergies renouvelables se transforme en frein au développement d’environ 70% du potentiel de petite hydroélectricité.

Le décret, qui a fait l’objet d’une consultation publique, prévoit que seuls les projets hydroélectriques d’une puissance supérieure à 3 MW pourront prétendre à la présomption d’intérêt public majeur. Cette présomption est particulièrement utile aux plus petits projets : en les privant du bénéfice de cette mesure de simplification, le décret va non seulement à l’encontre de l’objectif initial de la loi en rendant encore plus difficile cette démonstration mais instaure également un régime discriminatoire à l’encontre de la filière et des élus qui souhaiteraient développer l’hydroélectricité sur leur territoire.

Par ailleurs, alors que les élus sont attendus pour identifier en zones d’accélération, d’ici à la fin de l’année, les énergies renouvelables qu’ils souhaitent voir se développer sur leurs communes, le potentiel de l’hydroélectricité n’a toujours pas été rendu disponible sur le portail du Cerema-IGN.
A la différence des autres filières d’énergies renouvelables, aucune information sur la filière n’a été communiquée. Ces éléments devraient être mis à disposition des élus au mieux vers la mi-décembre alors qu’ils ont théoriquement jusqu’au 31 décembre pour faire remonter leurs propositions au référent préfectoral de leur département.

En excluant l’hydroélectricité du bénéfice des mesures de simplification administrative et en l’oubliant des outils de planification énergétique mis à la disposition des élus, ce sont les territoires de montagne et ruraux qui se trouvent directement pénalisés.

« Cela met en risque la transition énergétique des territoires de montagne où l’hydroélectricité est le levier principal de production d’énergies renouvelables du fait de leur configuration naturelle » souligne Pascale Boyer, Présidente de l’ANEM. L’hydroélectricité compte en effet parmi les principales ressources énergétiques exploitables en montagne. Elle constitue non seulement un gisement potentiel de production d’énergie renouvelable mais également une ressource financière non négligeable pour ces territoires en termes de taxes et redevances ainsi qu’en création et pérennisation d’emplois. Les territoires de montagne sont attachés à cette énergie, qui a depuis longtemps démontré sa capacité à concilier les usages, ainsi que son utilité face au changement climatique, notamment pour préserver la biodiversité.

 

Focus sur la raison impérative d’intérêt public majeur RIIPM

Un dispositif de facilitation des projets d’enr qui exclut la petite hydroélectricité

Pour pouvoir être autorisé et voir le jour, tout projet de production d’énergie renouvelable susceptible d’affecter la conservation d’espèces protégées et de leurs habitats doit répondre à 3 conditions cumulatives :

  • Il n’existe pas d’autre solution satisfaisante, en prenant en compte les mesures de réduction et de compensation prévues ;
  • Il ne nuit pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle, en prenant en compte les mesures de réduction et de compensation prévues ;
  • Le projet répond à une raison impérative d’intérêt public majeur (RIIPM).

Très difficile à démontrer pour les plus petits projets, la raison impérative d’intérêt public majeur a fait l’objet d’une disposition de simplification dans la loi d’accélération des énergies renouvelables :
les projets seront automatiquement présumés d’intérêt public majeur selon des critères spécifiquement déterminés pour chaque filière.

Pour la petite hydroélectricité, un seuil de puissance a été fixé à 3 MW en dessous duquel les projets ne bénéficieront pas de la reconnaissance d’intérêt public majeur. Cette disposition exclue de son périmètre la majeure partie du potentiel hydroélectrique et rend encore plus difficile le développement des projets d’une puissance inférieure à 3 MW.

Au travers de la RIIPM, la loi d’accélération proposait de lever une contrainte juridique au développement des projets sans remettre en cause d’aucune manière les modalités d’instruction et d’autorisation des projets qui garantissent la protection de la biodiversité.

La filière plaide pour un abaissement du seuil de 3 MW prévu dans le décret

Les associations d’élus se sont mobilisées pour dénoncer le traitement injustifié subi par l’hydroélectricité et demander, comme le Conseil supérieur de l’énergie l’a voté à une très large majorité en octobre dernier, un abaissement de ce seuil à 150 kW.

La filière appelle au respect de l’objectif visé par la loi d’accélération des énergies renouvelables de dynamiser le développement de toutes les énergies renouvelables, sans exclusion et à une approche harmonisée et non discriminatoire entre les énergies renouvelables, également pénalisante pour certains territoires.

Un développement de capacités hydroélectriques est possible et nécessaire

Première source d’électricité renouvelable (42% de la production électrique renouvelable pour l’ensemble de la filière) avec plus de 2 600 centrales hydroélectriques réparties sur le territoire français, pour une puissance de 25,7 GW, l’hydroélectricité permet de produire chaque année en moyenne 60 TWh d’électricité verte, soit la consommation de 27 millions de Français*. 10% sont produits par de la petite hydroélectricité, répartis sur les territoires, au plus près des consommateurs.

Dans le cadre des travaux de planification énergétique, le Ministère de la transition énergétique a actualisé en 2022 l’étude sur le potentiel hydroélectrique des cours d’eau français. Près de 11 TWh supplémentaires pourraient être produits grâce à l’hydroélectricité, soit la consommation de 5 millions de Français, majoritairement par la création de nouvelles centrales hydroélectriques (90%) et également par l’équipement de sites existants (10%). L’essentiel de cette capacité de développement concerne des projets de petite hydroélectricité, soit des sites d’une puissance inférieure à 10 MW.

La stratégie énergie climat fixe un objectif d’augmenter la capacité installée de 2,8 GW à horizon 2035,
en grande partie sur des installations existantes. Ces 2,8 GW incluront environ 1 700 MW de stations de transfert d’énergie par pompage (STEP) – essentielles pour accroître notre capacité de stockage d’électricité, 640 MW sur des installations de plus de 4,5 MW (concessions) et 485 MW sur des installations de moins de 4,5 MW (autorisations).

  *60 TWh/an en moyenne d’hydroélectricité / 2 223 kWh/pers/an

 

A propos de l’Association nationale des élus de la montagne :

L’ANEM se mobilise depuis 40 ans pour faire respecter la spécificité des territoires de montagne dont le développement équitable et durable constitue un objectif d’intérêt national. Sa principale mission vise à pérenniser les principes de la loi montagne et à donner aux collectivités des moyens d’action renforcés pour défendre les enjeux économiques, sociaux, environnementaux et culturels de la montagne. L’Association, qui revendique le droit à la différence et la nécessité d’adapter des dispositions générales aux particularités de près d’un quart du territoire national, est engagée au quotidien dans les instances et les assemblées locales, nationales et européennes. Elle rassemble quelque 2405 communes et intercommunalités, 31 départements, 7 régions, et 274 parlementaires.

Contact Presse, ANEM :

Eve du Montant – 06 75 24 09 48 – [email protected]

 

À propos de France Hydro Électricité :

France Hydro Électricité est un syndicat national de défense et de promotion de la petite hydroélectricité. Les adhérents de France Hydro Électricité exploitent aujourd’hui environ 720 centrales hydroélectriques réparties sur l’ensemble du territoire français, de puissances allant de 30kW jusqu’à 12 MW (60% de centrales de puissance inférieure à 500 kW). Le syndicat fédère également la filière amont, soit environ 170 fournisseurs artisans, PME, industriels et entreprises de services. France Hydro Électricité a pour principales missions d’anticiper et de sécuriser l’avenir de la filière en œuvrant pour améliorer le cadre réglementaire et économique nécessaire au le développement de la petite hydroélectricité.

Contact presse, France Hydro Électricité :

Aurélie Dousset – 06 09 66 58 87 – [email protected]

 

 À propos du Syndicat des énergies renouvelables :

Le Syndicat des énergies renouvelables (SER) regroupe 500 adhérents, représentant un secteur générant plus de 150 000 emplois. L’organisation professionnelle rassemble les industriels de l’ensemble des filières énergies renouvelables : bois-énergie, biocarburants, éolien, énergies marines, gaz renouvelables, géothermie et pompes à chaleur, hydroélectricité, solaire et valorisation énergétique des déchets. Le SER a pour mission de défendre les droits et les intérêts de ses membres et de resserrer les liens qui les unissent, notamment pour développer la filière industrielle des énergies renouvelables en France et promouvoir la création d’emplois et de valeur ajoutée sur le territoire national.

Contact presse, Syndicat des énergies renouvelables :

Cynthia Kari – 07 87 14 71 26 – [email protected]