Suspension de la réglementation visant à freiner l’expansion des meublés touristiques de la communauté d’agglomération du Pays basque : quelles premières leçons ?

Le tribunal administratif de Pau vient de suspendre la réglementation de la communauté d’agglomération du Pays basque visant à freiner l’expansion des meublés touristiques. Ce règlement avait été adopté afin d’encadrer les mises sur le marché de nouveaux meublés de tourisme face à l’importante augmentation de ces locations, passant de 7 150 annonces actives en 2016 à 16 440 en 2020.

Le mécanisme de compensation du règlement prévoyait qu’en demandant à la mairie le changement d’usage de son logement pour en faire un meublé de tourisme, le propriétaire devait proposer en contrepartie un local (bureau, commerce, garage…) qu’il avait transformé en habitation à l’année. Ce mécanisme s’appliquait à des communes ciblées (la réglementation concernait 24 des 158 communes de l’agglomération qui sont considérées comme étant situées dans une zone tendue comme Bayonne, Biarritz ou Saint-Jean-de-Luz). S’appliquant autant aux personnes physiques qu’aux personnes morales, le mécanisme du règlement permettait de reconstituer la perte d’un logement par la création d’un autre sans puiser dans le parc disponible. Ce logement devait en plus avoir la même surface et être situé dans la même commune.

Saisi début mai d’un référé-suspension formé par un collectif de plus de 50 requérants (propriétaires et sociétés de conciergerie), le tribunal a relevé que les modalités de la compensation prévues dans le règlement étaient difficilement accessibles et entrainaient une méconnaissance du principe de proportionnalité.

Ce règlement porté par la communauté d’agglomération du Pays basque faisait suite à un bond des locations de meublés touristiques de 130 % entre 2016 et 2020. La population locale avait d’ailleurs manifesté son agacement de ne plus pouvoir trouver de logements accessibles à l’année (en novembre 2021, une manifestation pour le droit au logement avait rassemblé entre 6.500 et 8.000 personnes dans les rues de Bayonne).

Si les requérants estimaient logiquement que la pénurie de logements ne serait pas établie et qu’en toute hypothèse le règlement n’était pas une réponse adaptée, le tribunal administratif avance, dans le même sens, que les éléments produits par la communauté d’agglomération du Pays basque ne permettaient pas d’établir que la pénurie alléguée serait d’une telle ampleur au point de faire obstacle à ce que de nombreuses personnes puissent se loger. Cette divergence, entre les élus d’un côté et le tribunal et les requérants de l’autre, fait écho à une demande forte de l’ANEM de développer des outils de connaissance du parc immobilier et de ses usages pour disposer d’une information fiable.

Entre pénurie de logements et développement économique, faut-il choisir ? Le tourisme est un pilier de l’économie montagnarde et il permet à des vallées entières de vivre. Chacun des massifs a une histoire et offre des expériences différentes à découvrir. Il ne faut donc pas engager des actions qui viendraient gêner la croissance du secteur. En même temps, les résidents permanents doivent pouvoir se loger et bien vivre. Il est donc nécessaire de trouver un équilibre entre le développement du tourisme et les besoins des habitants permanents.

Les cinq propositions* de l’ANEM pour remédier aux déséquilibres locaux du marché du logement :

  • Travailler en concertation avec les élus afin de déterminer un équilibre entre le développement touristique et le maintien de la population locale.
  • Développer des outils de connaissance du parc immobilier et de ses usages pour disposer d’une information fiable.
  • Porter une attention particulière sur le phénomène de gentrification et ses conséquences sur la population locale.
  • Mener une réflexion globale sur la fiscalité du patrimoine, qu’elle concerne l’immobilier (impôts sur la fortune immobilière, taxes foncières) et les flux (revenus fonciers, plus-values, etc.) afin d’orienter la politique fiscale en faveur des résidences principales (acquisition ou locations de longue durée).
  • Imaginer des expérimentations fiscales en zone de montagne afin de mener des politiques globales adaptées aux enjeux.

* Ces propositions ont été présentées par l’ANEM devant l’Inspection générale des finances, le Conseil général de l’environnement et du développement durable ainsi que l’Inspection générale de l’administration lors d’une audition sur la lutte contre l’attrition des résidences principales dans les zones touristiques en Corse et sur le territoire continental, le jeudi 7 avril 2022.