Reconnaissance d’intérêt public majeur : la petite hydroélectricité ne doit pas être exclue !

L’article 19 de la loi relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables du 10 mars 2023 prévoit que les projets d’installation de production d’énergie renouvelable, ainsi que leurs ouvrages de raccordement aux réseaux de transport et de distribution, sont réputés répondre à une raison impérative d’intérêt public majeur (RIIPM), au sens de l’article L. 411-2 du Code de l’environnement, dès lors qu’ils satisfont à des conditions définies par décret en Conseil d’État. Ces conditions tiennent compte du type de source d’énergies renouvelables, de la puissance prévisionnelle totale de l’installation projetée et de la contribution globale attendue des installations de puissance similaire à la réalisation des objectifs de la Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE).

Le ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires et le ministère de la Transition énergétique ont mis à la consultation publique (du 30/10/2023 au 24/11/2023) un projet de décret relatif aux conditions requises pour qu’un projet d’installation de production hydroélectrique soit réputé répondre à une raison impérative d’intérêt public majeur, en application de l’article L. 123-19-1 du Code de l’environnement.

Ce projet de décret définit des seuils de puissance pour l’hydroélectricité au-delà desquels, tant que les objectifs de la PPE ne seront pas atteints, les installations bénéficieront automatiquement de la reconnaissance de la raison impérative d’intérêt public majeur, au regard de leur intérêt pour la lutte contre le réchauffement climatique, notre indépendance énergétique et notre sécurité d’approvisionnement en énergie.

En outre, les deux autres conditions citées ci-dessus restent applicables pour que le projet puisse bénéficier d’une dérogation à l’obligation de protection stricte des espèces protégées, ce qui offre de solides garanties pour la protection des espèces concernées.

Les seuils proposés pour l’hydroélectricité dans le projet de décret sont les suivants :

  • 3 MW en métropole continentale ;
  • 1 MW dans les zones non interconnectées (ZNI).

Ces seuils ne s’appliquent pas aux projets hydroélectriques situés sur les cours d’eau classés en Liste 1 au titre de l’article L. 214-17 du Code de l’environnement. En effet, il s’agit de cours d’eau sur lesquels aucune autorisation générant un nouvel obstacle à la continuité écologique ne peut être octroyée. Ces seuils ne sont pas non plus applicables à l’énergie osmotique et hydrolienne, qui ne font pas l’objet d’objectifs spécifiques dans la PPE. Les installations hydroélectriques au-dessus de 3 MW représentent près de 60 % de la puissance totale des installations de petite hydroélectricité (installations de puissance inférieure à 10MW).

L’ANEM a répondu à la consultation publique sur ce projet de décret pour défendre la petite-hydroélectricité.

Voici sa contribution :

L’hydroélectricité et plus particulièrement la petite hydroélectricité sont intrinsèques à la montagne.

Leur développement est plus que nécessaire à l’heure où l’ensemble des modes de production renouvelable doivent être mobilisés pour atteindre les objectifs nationaux et européens en matière d’énergies renouvelables.

C’est une énergie qui recouvre de multiples enjeux :

  • Un enjeu énergétique et environnemental, car l’hydroélectricité représente une part non négligeable de la production d’électricité en France et c’est, de surcroît, la première source de production d’énergie renouvelable et vertueuse. Elle permet de produire localement une énergie propre et de créer de la richesse dans des vallées.
  • Un enjeu industriel et économique. Outil d’aménagement du territoire, de développement économique local, générateur de recettes fiscales et d’emplois, induisant un ancrage local des populations en montagne.
  • Un enjeu de service public qui touche à la question du service public de l’eau, au multi-usage de l’eau et au rôle propre des barrages sur les territoires. Les opérateurs de l’hydroélectricité jouent, en effet, un rôle essentiel en matière d’irrigation agricole, de soutien d’étiage, ou encore de tourisme quand de nombreuses bases nautiques ont été aménagées et sont gérées grâce à ces installations.
  • Enfin, l’hydroélectricité et les STEP (stations de transfert d’énergie par pompage) hydrauliques, en tant qu’énergie stockable, jouent également un rôle important pour renforcer la qualité et la stabilité du réseau électrique, notamment en évitant les congestions. Leur rôle sera d’autant plus important dans les années à venir car le stockage des énergies renouvelables, et de l’électricité en général, est une des clés de la transition énergétique.

De plus, RTE, dans son bilan prévisionnel 2023, fait de la construction de nouvelles capacités hydrauliques une priorité. Or, la majorité du potentiel de développement de la filière concerne des projets de petite hydroélectricité dont la production est un réel atout pour réussir la transition énergétique des territoires de montagne.

Le seuil proposé par le gouvernement de 3 MW en métropole continentale n’est pas acceptable pour les territoires de montagne. Il exclut, de fait, les projets des collectivités. En effet, l’essentiel de leurs projets concerne de petites installations de puissance comprise entre 150 kW et 4,5 MW. Ce sont justement ces petits projets qui ont le plus de difficultés à démontrer leur intérêt public majeur. Il serait donc regrettable d’écarter ce vecteur de la transition énergétique en rendant encore plus difficile de déposer ces projets.

Rappelons que la RIIPM n’affaiblit pas la protection de la biodiversité et n’allège pas l’instruction des projets qui doivent être autorisés par les Directions départementales des territoires après avis de l’Office français de la biodiversité. La présomption de RIIPM traduit un soutien à l’accélération de la production d’énergies renouvelables afin de permettre à la France d’atteindre ses objectifs de réduction d’émissions de gaz à effet de serre.

Le Conseil supérieur de l’énergie a d’ailleurs rendu le 12 octobre dernier un avis défavorable pour un seuil à 3 MW et s’est prononcé en faveur d’un abaissement de ce seuil entre 150 kW et 400 kW.

La petite hydroélectricité ne doit pas être exclue de la RIIPM du fait du seuil à 3MW. Il en va de l’avenir de cette filière vertueuse qui fait vivre de nombreuses collectivités de montagne.

C’est pourquoi l’ANEM demande que le seuil retenu pour la filière hydroélectrique soit de 400 kW afin que la présomption de RIIPM représente 85% de la puissance du parc d’installations concernées.

Jusqu’au 24 novembre, les élus peuvent déposer leur contribution sur le projet de décret via le lien suivant : https://www.consultations-publiques.developpement-durable.gouv.fr/projets-de-decrets-relatifs-aux-conditions-a2933.html